Histoires de couple et d'argent
Tu sais que le premier sujet de dispute dans un couple c’est l’argent ?
Surtout, n’en parlons pas !
Puisque vous vous aimez…
Vous bâtissez votre vie commune sur les petits arrangements du début :
- “je prends le loyer, tu prends les courses”,
- “on n’ qu’à écrire sur un papier les dépenses qu’on fait et on voit ça à la fin du mois”,
- “on ne va quand même pas faire des comptes d’apothicaire…”,
- “je te fais confiance”…
Et, inévitablement, ce dont on ne parle pas devient un problème pour l’un ou l’autre.
À l’occasion de la promotion d’un stage dédié au couple et sa gestion de l’argent, Chloé Urvoas et moi nous avions collecté des histoires de couple, issues de nos expériences et de nos accompagnements.
Les voilà ici réunies, pour illustrer divers aspects du sujet “couple et argent” : l’affirmation, l’égalité, les non-dits, la clarté, les décisions “rationnelles”… et pour éclairer le fait que ce n’est pas l’amour qui manque, mais un regard serein et pragmatique posé sur l’argent.
L’argent n’est que ce qui t’empêche de voir que ça pourrait aller beaucoup mieux.
Couple et argent et... affirmation
L’histoire de Nathalie et Damien
Nathalie vient en money coaching parce qu’elle veut augmenter son chiffre d’affaires. Au 2ème RV, je lui demande ce qui a bougé avec mes propositions et elle me raconte sa stupeur de constater à quel point il y a des transactions “partout”. Effectivement, l’une de mes premières propositions c’est de prendre conscience de ce qui se passe en toi lors de toutes les transactions, à chaque fois qu’il est question d’argent dans ta journée.
Je lui demande de développer et elle prend très vite conscience que sa vraie raison pour venir me voir c’est la détresse dans laquelle elle se trouve de gagner beaucoup moins que son mari.
Elle a réalisé entre les deux rendez-vous qu’elle négocie sans cesse – avec elle même d’ailleurs, la plupart du temps, qu’elle se refuse tout, qu’elle inhibe tous ses besoins à cause de l’inégalité de leurs contributions financières.
Je lui rappelle sa première phrase : Des transactions partout ? Peux-tu préciser les termes de ces transactions ? Lui il apporte davantage d’argent, et toi, qu’apportes-tu ?
“Je me tais.”
“Je m’efface.”
Lorsque je lui propose de regarder quelles sont les autres ressources, les autres contributions, en dehors de l’argent pour les dépenses mensuelles, qu’elle apporte dans leur vie commune, elle remarque que tout leur patrimoine immobilier lui appartient à elle : la maison qu’ils habitent, leur maison de vacances en Vendée, et un petit deux pièces loué.
Il lui faut plusieurs minutes pour faire le point différemment, puis pour “réajuster” sa grille de lecture, et mettre dans la balance aussi le temps qu’elle passe à s’occuper de la maison et des enfants.
Elle repart de cette séance avec la conscience que son patrimoine peut compter dans l’équilibre de leurs contributions :
- Le loyer qu’ils n’ont pas à payer diminue leur budget mensuel,
- La maison de vacances diminue leur budget vacances annuel,
- L’appartement loué augmente leurs ressources mensuelles.
Et, dans la foulée, elle prend davantage conscience des contributions non monétaires : Elle travaille chez elle et c’est essentiellement sur son temps à elle que toute l’administration et l’intendance de leur famille repose.
À la séance suivante elle me fait part de sa surprise : De longues discussions avec son mari ont révélé qu’il était parfaitement conscient et heureux de ses apports.
Elle a repris sa souveraineté et une place d’égale à égal dans la communication du couple.
Elle a repris conscience de sa valeur.
Et son chiffre d’affaire a décollé.
Par Fabienne
Couple et argent et... clarté
L’histoire de Laurence : une 2ème carte bleue
Depuis qu’elle réutilise son compte bancaire personnel, elle revit.
Elle sort du café après avoir réglé avec sa 2e carte bleue. Avec fierté et un grand sourire intérieur.
Chaque dépense, au moment du paiement, est passée au crible de son nouveau critère. Ça c’est pour le foyer ou c’est pour elle ? Honnêteté radicale.
Elle ne rend des comptes qu’à sa conscience, et sa conscience est bien aiguisée.
Quelle joie de sortir sa CB couleur bleue (l’autre, celle du compte joint, est dorée). La carte de son compte perso. Marque de son indépendance financière. Signe de son droit à se faire plaisir désormais, sans avoir à se justifier.
Non pas qu’elle ait eu à se justifier avant. Mais là, c’est différent. Maintenant elle a son jardin secret.
Alors oui, il a fallu adresser un nouveau RIB à l’organisme qui lui versait les allocations.
Oui, il a fallu discuter pour trouver un montant de contribution au compte commun qui soit ok pour tous les deux.
Oui, il a fallu tenir bon quand Monsieur lui a dit que lui ne ferait pas ça, qu’il tenait à ce que le compte joint reste assez renfloué et que par conséquent il préférait y garder le versement de son salaire.
A elle, ça ne lui plait pas de voir passer ses dépenses personnelles à lui sur leur compte en banque. Ça lui semble de l’impudeur, de voir ces infos-là, maintenant. Mais, lui ayant exprimé les conséquences de la position qu’il choisit, et son propre inconfort face à cela, elle ne peut plus rien faire de plus. C’est son affaire à lui, pour le moment.
Oui, ça lui demande maintenant plus de rigueur. Regarder régulièrement la situation des comptes, anticiper la trésorerie, demander des délais de paiement parfois, faire plus de virements.
Mais cette structure la rassure. Ça donne plus de cadre à cet argent. Elle voit mieux où elle en est, où ils en sont.
Comme si chaque chose était bien à sa place maintenant.
Ça fait ressortir le côté gestionnaire et carré en elle qu’elle adore.
Pourtant, elle s’en était bien cachée jusque là – à lui, et surtout à elle-même.
Ça lui remet les pieds sur terre. D’ailleurs, elle a aussi ouvert un compte professionnel, pour sa nouvelle activité entrepreneuriale.
Elle se sent beaucoup plus en maîtrise. De ballotée par les vents, elle se sent maintenant vigie sur un bateau à embrasser l’horizon.
À elle la liberté d’épargner, de retirer du liquide ou de payer, sans dévoiler ses projets, ses choix, ce qu’elle fait, où elle se trouve, à chaque instant.
Non pas qu’elle ait quelque chose à cacher – enfin si, comme tout le monde, elle a des choses qui ne regardent qu’elle. Elle cultive son jardin intime. Quelle hypocrisie, quelle violence envers soi que de prétendre à la parfaite transparence, en pâturage à tous les regards.
Maintenant, elle se sent infiniment plus libre. Infiniment plus femme. Infiniment plus autorisée au plaisir. Infiniment plus puissante.
Tout ça, par le pouvoir d’une 2e carte bleue.
Par Chloé
Couple et argent et... raison
L’histoire d’une décision rationnelle
« Ce serait idiot de payer 2 loyers vu tout le temps qu’on va passer ensemble !»
C’est ce qu’elle lui a dit par téléphone.
Un silence accueille son argument massue.
Que pense-t-il, là-bas, de l’autre côté de la Méditerranée ?
Ce fichu stage à l’étranger rend vraiment peu pratique la prise de décision structurante.
Et pourtant elle, c’est maintenant qu’elle avance, qu’elle prépare sa rentrée d’étudiante.
Il hésite.
Elle réagit au quart de tour. Il n’y a pas de place pour son doute à lui. Que valent ses états d’âme par rapport au poids irrésistible de l’argument si rationnel de l’argent ?
Mais enfin, cela tombe sous le sens que c’est la meilleure solution !
Ils raccrochent dans un malaise. Elle a l’impression de lui avoir arraché son « oui ».
Ça lui laisse un goût amer. Ce n’est pas du tout ainsi qu’elle imaginait sa première installation avec son amoureux.
Ce coup de fil transcontinental est si éloigné de sa vision idéale. L’image de 2 jeunes tourtereaux sautant de joie à l’idée de vivre sous le même toit, après avoir passé tant de temps séparés par leurs études et leurs stages, lui colle au cerveau, et elle ne parvient pas à s’en défaire.
C’est ça, finalement, l’amour ? Des prises de décision bancales, teintées d’attentes implicites, de concessions à contre-cœur, de non-dits et d’amertume ?
Franchement, c’est à vomir.
Mais il faut croire que c’est le prix à payer pour un grand amour. C’est ce qu’elle pense comprendre de l’histoire de ses propres parents.
Cette rationalité financière cache les vraies questions : A-t-elle vraiment de vivre avec lui maintenant ? Et lui ?
Qu’y-a-t-il vraiment derrière cet élan, cette nécessité de prendre un appartement ensemble ?
Personne ne lui pose la question. Elle en aurait bien besoin, pourtant, elle, dans la candeur de ses 19 ans.
Le lendemain, elle emmène son père signer le bail à l’agence. Puis appelle son amoureux, là-bas : «c’est fait !»
2 jours plus tard, une crise d’urticaire aigüe lui ravage le bas des jambes.
Par Chloé
Couple et argent et... non-dits
L’histoire de Mathieu
«Dès que j’ai l’annonce d’une prime, ma femme sait déjà comment la dépenser. J’en peux plus !»
Déjeuner en terrasse entre collègues… Il craque, elle l’écoute.
– Un spa dans le jardin, un Thermomix, un voyage au Canada… Alors qu’on a encore tant de travaux à payer !
Elle entend sa course infinie à l’argent. Cette impression que ça ne pourra jamais s’arrêter. Elle a mal pour eux. En particulier pour sa femme, qu’elle connait aussi et qui brûle de tant de projets réprimés.
– C’est vrai, notre erreur a été de faire construire une maison au-dessus de nos moyens. Et ça fait 7 ans qu’on rame financièrement.
– Mais vous voulez pas la revendre, cette baraque ?
– J’ai pas envie de la revendre tant qu’elle n’est pas un minimum terminée !
– Ça veut dire quoi, concrètement ?
– Je dois poser les volets, terminer une clôture et finir la salle de bain du haut. 20 000€ au moins à investir en plus mais ça nous permettra de la vendre beaucoup mieux.
– Encore 20 000 euros et tu pourras la revendre ?
– Voilà
– mmmm, mais …. vous ne les avez pas… ça va te prendre combien de temps de gagner cet argent si vous êtes ric-rac tous les mois ?
– Encore 2 ans je pense, si tout va bien. C’est-à-dire, à condition que je puisse garder ce job et que mes primes servent uniquement aux travaux.
– OK. Donc entre temps, quasi pas de vacances, pas de dépenses confort… C’est chaud non ? Tu peux pas demander une augmentation ?
– Nan, c’est pas mon trip d’aller négocier. J’aime pas demander, j’ai l’impression de mendier. Je suppose que j’attends d’être reconnu pour la valeur que j’apporte ici…
– Mouais, ça peut durer alors… Et ta femme, pourquoi vous n’en parlez pas ? Elle a son job, elle pourrait utiliser une partie de l’argent qu’elle gagne pour les dépenses qui lui semblent prioritaires, histoire de préserver votre argent commun pour les projets communs, non ? Et que tu te mettes moins la pression, que t’arrêtes de juger ses dépenses, je sais pas ?
– Elle gagne vraiment pas assez, pourtant elle bosse à fond… On n’a qu’un compte joint et on met tout dessus. C’est pour ça que ça m’énerve quand elle veut dépenser de l’argent, alors qu’on est toujours en train de courir après. Moi je ramène la thune et elle, elle la dépense !
– Ben, si elle dépense plus, c’est aussi peut-être parce que c’est elle qui gère l’intendance de votre foyer, non ?
– ….
Le serveur les interrompt en leur apportant l’addition. Il sort 2 tickets restaurant, elle règle le reste.
Au total, il a payé plus qu’elle.
Elle se sent mal de ce déséquilibre. Mais comment en parler ?
Elle se sent responsable de jouer le même jeu que sa femme, d’accepter cette distribution genrée des rôles face à l’argent. Et cela blesse son élan de sororité.
Elle se sent prise au jeu de son besoin à lui de payer.
Elle se sent rattrapée par une éducation qui donne à l’homme la responsabilité de payer. Et cela blesse son élan d’humanité.
Par Chloé et Fabienne
Couple et argent et... égalité
L’histoire de Souria
À qui appartient l’argent qui rentre dans votre couple ?
À toi ?
À l’autre ?
Jusqu’à quelle limite ? Elle est discutée cette limite ?
Souria commence un accompagnement pour apprendre à gérer, parce qu’elle se sent “nulle avec l’argent”.
Ils ne sont pas mariés, ils ont deux enfants
Elle se sent autonome et en est très fière :
– On s’est tout réparti à égalité : On met chacun 1000€ sur le compte joint pour notre budget mensuel de 2000€
– OK ! Et c’est comment votre communication au sujet de l’argent ?
– oh on a jamais besoin d’en parler, c’est moi qui fait les comptes et qui gère tout et de toute façon, c’est moi qui dépense tout !”
Son objectif en coaching ?
Mettre de l’argent de côté. Et puis elle est frustrée de ne pas pouvoir se payer un truc de temps en temps, même un café avec une copine, et elle n’en peut plus de se sentir en mode survie. “Et pourtant on est pas à plaindre”, ajoute-t’elle avec un petit sourire coupable.
Chaque dépense sur le compte commun est soupesée avec un regard critique par son compagnon qui trouve qu’elle en fait trop et qu’elle gère mal.
En questionnant un peu, j’apprend qu’elle gagne 1300€ et lui 4500€
Il ne veut pas entendre parler des dépenses occasionnelles pour les enfants : sorties, paires de chaussettes, anniversaires de copains…
Donc c’est elle qui les assume.
Il économise 3000€/mois, et s’est acheté deux biens locatifs, il a un abonnement en salle de sport, s’offre des week-ends au ski avec ses copains.
Il lui faut, à elle, quelques minutes pour que cet énoncé factuel de leur fonctionnement financier la fasse réagir.
Pour qu’elle fasse le lien avec ce ressenti enfoui d’injustice.
Pour qu’elle réalise que le premier sujet n’est pas forcément sa mauvaise gestion mais plutôt le fait qu’elle pose l’égalité des contributions financières en priorité.
Pour qu’elle décide de passer du concept d’égalité au concept d’équité.
Et d’en parler.
Par Fabienne
Et toi, que fais tu "payer" à l'autre ?
Ou bien qu’est-ce que tu “payes trop cher” ?
À chaque fois qu’un échange ne te satisfait pas, c’est qu’il y a un déséquilibre entre ce que tu donnes et ce que tu reçois.
Peut-être que tu “payes trop cher” ?
Il y a de multiples façons de payer : en temps, en argent, en énergie,
mais aussi en t’effaçant, en t’oubliant, en te négligeant, en te dévalorisant.
Et il y a de multiples façons “d’être payé.e” aussi : en reconnaissance (de ton existence), en affection, en “bons points” (tu es une bonne élève, un bon père, une bonne salariée, une entrepreneure pas vénale, …)
Sur une échelle de 0 à 10, à quel point es-tu satisfaite de votre communication en couple au sujet de l’argent ?
Couple et argent : un vrai laboratoire d'épanouissement !
- Construire un espace calme et sécurisant pour regarder la réalité,
- poser ensemble des mots dessus,
- parvenir à faire un bilan des contributions de chacun, dans une honnêteté radicale,
- pour ensuite, si le résultat gratte, frotte ou dérange, regarder ensemble les moyens de faire bouger ça,
- et oeuvrer ensemble, main dans la main, responsables et créateurs de votre vie commune, vers vos projets, avec vos valeurs,
- sans préjugés, avec confiance,
- en finir avec les complexes, de l’un ou de l’autre, cette façon de penser “nan, je suis trop nul.le de toute façon” : tu te retrouves sur un niveau de compétence équivalent,
- désactiver les rapports de force, les sous-entendus, les malentendus : tout est clair, clarifié, assumé et responsable,
- refuser la résignation : “bah, c’est comme ça, on ne voit pas les choses pareil !” : un espace de dialogue, ça se construit, à partir de ce qui est commun !
- mettre de la clarté sur “ce qui est à toi” et “ce qui est à moi” : l’argent bien géré dans le couple reflète exactement la réalité et les projets : il y a deux personnes qui ont chacune un compte, des activités, des dépenses et des épargnes qui leur sont propres, et il y a un couple qui a ses propres dépenses, activités et projets.
- dire adieu aux rancoeurs et aux sujets qu’on évite “à cause de l’argent” : on sait traiter d’une part les sujets pratiques et d’autre part les sujets affectifs, amoureux, émotionnels. On sait aussi parler des besoins, des valeurs, des projets !
- l’argent est remis à sa juste place : pour servir la gestion quotidienne, pour nourrir les besoins et les projets.
Ta relation à l’argent est une relation aussi.
Elle ressemble à ta relation à toi-même, à ta relation à l’autre, aux autres, au monde.
En prendre soin, c’est une des façons de prendre soin de tes relations.
Tu peux poursuivre l’exploration de ce sujet :
- avec cet article : comment gérer son argent en couple
- avec un money-talk : Spécial couple et argent avec Chloé