Est-ce vraiment l'argent qui doit disparaitre ?
J’entends souvent : “non, ce qu’il faudrait, c’est un monde sans argent !”
Est-ce vraiment l’argent qui doit disparaitre ? Pour céder la place à quoi ?
Quels problèmes s’en trouveraient résolus ? Quelles nouvelles difficultés se présenteraient ?
C’est THE outil que l’être humain a inventé pour faire circuler les richesses.
- L’argent permet de s’accorder (le mot est important…) sur une valeur d’échange : un prix.
- L’argent propose de s’accorder sur un symbole, LA MONNAIE, que chacun reconnait et accepte pour échanger.
- Dès lors que nous sommes d’accord pour nous entendre sur des prix et sur un symbole, une monnaie, nous pouvons multiplier les échanges à l’infini, et la monnaie devient le facilitateur.
Par ailleurs, plus nous évoluons en tant qu’êtres humains, plus nous nous “spécialisons” : il y a des milliers de compétences, de talents, de particularités, d’excellences. La monnaie est aussi, à mes yeux, ce qui me permet d’entrer en contact avec une artiste indonésienne dont les images me bouleversent : je serais bien en peine de trouver contre quoi échanger avec elle l’une de ses images, à 20 000km de distance.
La monnaie est donc ce qui concrétise, ce qui facilite, ce qui manifeste notre interdépendance. C’est un lien entre nous.
C’est l’un des outils de notre besoin d’appartenance.
C’est le bel outil qui manifeste notre interdépendance.
Un monde sans argent ou sans monnaie ?
Tant que les monnaies se contentaient de faciliter les échanges, et ça a duré 30 000 ans, tout allait pour le mieux. Mais nous avons inventé une autre fonction adossée à la monnaie : la réserve de valeur. Ainsi est né notre système monétaire, il y a environ 3000 ans.
Ce sont les conséquences du choix de CET outil d’échange qui ont aujourd’hui un tel impact qu’on a envie… d’un monde sans argent.
Ses conséquences ont été observées, décrites, argumentées, notamment par Bernard Lietaer (j’en parle ici) :
- une nécessaire “croissance”, notre fameux “toujours +”
- l’avidité et la peur de manquer comme émotions collectives et “archétypales”
- la compétition et l’individualisme, avec pour conséquence une défiance, une “séparation” entre les humains
- une diminution du bien être économique et de la place de la femme dans les sociétés.
C’est l’humain qui donne ses significations à l’argent. Je préfère ne pas confondre l’outil et la relation morbide que nous avons avec cet outil.
Alors un monde sans argent ?
Puisqu’il faut bien répondre…
Non, l’argent reste un outil puissant et essentiel pour nos échanges.
Mais les outils ont vocation à nous servir, à être revus et modifiés de façon à nous servir au mieux. Il est temps d’inverser le pli désastreux que nous autres humains avons pris en nous pliant aux exigences d’un outil qui n’est plus à la hauteur de nos besoins d’aujourd’hui…
et encore moins de nos besoins de demain !
Bernard Lietaer proposait dans “Réinventons la monnaie” un foisonnement de systèmes monétaires, qui auraient chacun pour mission de mettre en relation des besoins inassouvis et des ressources inexploitées. C’est pour lui la définition d’un système monétaire.
Inventons d’autres monnaies (il y en a 5000 aujourd’hui !), d’autres systèmes monétaires (sans fonction de réserve de valeur !), réformons notre relation à l’argent…
Il y a de quoi faire !